On était au festival de Kleg, du 5 au 7 mai 2018!

L’année dernière, le festival mythique avait entamé une mue audacieuse et marqué sa programmation avec le concept de Vintage Noz (ils auraient d’ailleurs dû pousser le concept jusqu’à vendre des madeleines au stand restauration, mais c’est une autre histoire…). Cette année, les fringants fous d’En Arwen ont enfoncé le clou de cette nouvelle formule, qui du coup commence sérieusement à trouver ses marques.

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En effet, Kleg prend désormais le parti d’une programmation composite, hybride, entre un festival de musiques actuelles tel qu’il en existe un peu partout et notamment pas mal en Bretagne, et le fondement historique du festival, à savoir les musiques dites traditionnelles et le fest-noz qui va avec. Pari audacieux s’il en est. Mais pas tant au niveau de la compatibilité entre les deux approches que de la capacité des publics à s’ouvrir l’un à l’autre.

Et pour le coup, pour commencer direct dans le lard, on va mouiller le maillot un peu et prendre un parti clair. On a passé assez de temps ici (et ) à défendre l’idée d’une culture qui, bien que riche de potentiels à partager, pourrait bien crever si elle continuait à compter sur l’entre-soi pour se régénérer, et qui donc se doit de s’ouvrir, d’aller se montrer, d’aller cohabiter avec d’autres modes de partage festifs. On ne va pas maintenant jouer les tièdes face à une initiative de grande ampleur qui va dans ce sens, quitte à cliver un peu pour mieux fédérer (espérons le) ensuite.

Pour faire un sort à cette question de « ce qu’est devenu Kleg » ou plutôt, ce que Kleg est en train de devenir, il va falloir qu’on arrête avec les conneries, notamment sur le plan tarifaire.

a) 16 euros par soir, 39 euros pour les trois jours, de 18h (parfois avant) jusqu’à 3-4h du matin, sur deux scènes, avec dans la prog autre chose que des groupes locaux? Sortez un peu de chez vous les gens, c’est TRES raisonnable. A titre de comparaison, un (seul) concert du festival Mythos à Rennes c’était entre 25 et 35 euros pour un ou deux groupes. Les autres tarifs (bières, vins, nourriture…) étaient là aussi bien en dessous de ce qui se voit généralement en festival. On a tout fait pour garder un caractère populaire et accessible à cette fête (et c’est probablement grâce au bénévolat que tout ça tient). Allez en boîte de nuit ou en soirée dansante, on verra à combien ça vous revient, pour zéro groupe en live et des consos majorées. Râler sur le prix, c’est soit être ignorant et grande gueule quand même, soit de mauvaise foi, voire les deux.

b) beaucoup de passionnés de fest-noz devraient avoir l’honnêteté de reconnaître que quand ils font des kilomètres pour danser, ils mettent davantage de fric dans leur réservoir auto que dans le billet d’entrée. Même en covoiturant, ça compte. Et Kleg n’est pas un fest-noz comme les autres, c’est un festival. Vouloir une entrée à 6 (même 10) euros, ça devrait signifier réclamer un événement comme les autres. Il y a le petit vin de pays qui va bien avec la cuisine du dimanche, et puis il y a le pinard qu’on ne sort que quand on a vraiment un truc à fêter. De la même façon, il y a quelques événements qui sortent de l’agenda « ordinaire » du week-end, soit on trouve ça intéressant et on y met le prix que ça mérite, soit on n’y va pas et on ne se plaint pas.

En fait, on a l’impression que ceux qui râlent n’assument pas qu’ils aimeraient tout bonnement que Kleg soit resté un truc uniquement dévolu au fest-noz. Comme s’ils ne faisaient pas rentrer dans leur appréciation d’une soirée « rentabilisée » tout ce qui ne les intéresse pas, à savoir tout ce qui n’est pas à danser (breton, s’entend, hein, parce que La Yegros et Too Many Zooz fallait quand même avoir du plomb dans les godasses pour ne pas se trémousser…). Et même là, en ne prenant en compte que la prog breizhoue à danser, ça valait plus que le prix! Mais tant qu’on ne rentrera pas dans le lard de ce que devrait être, pour être viable, le prix d’un fest-noz avec plus d’un groupe et un sonorisateur payé dignement… Non, le problème est plutôt de savoir si le public fest-noz est prêt à s’intéresser à des soirées ouvertes, à découvrir d’autres choses que le seul horizon des planchers de danse. Bref, affaire réglée : pour notre part, nous tirons notre chapeau aux organisateurs, aussi bien pour l’envie que pour la manière. Parce que, à partir de maintenant et (presque) jusqu’à la fin de ce papier, on va dire à quel point c’était bien.

Déco chaleureuse, configuration des lieux bien foutue (coins canapé, circulation fluide entre les scènes…), bénévoles en nombre, sympas et disponibles, bonne ambiance générale, et une programmation bien pensée y compris dans les enchaînements entre les groupes, on était là dans une bulle avec sans cesse des moments cool à picorer entre amis ou devant la scène.

On ne pourra pas détailler la prog et ce qu’on en a pensé, ce serait trop long, mais disons que, par exemple (et pour ne parler que de groupes à danser, puisque c’est le fond de commerce de ce site…), on a aimé retrouver Lyannaj, découvrir le potentiel maousse d’une formation comme Nevolen, ou, dans un registre différent, le duo Sibéril/Moal, savourer les trop rares Le Bour / Bodros en duo, Darhaou, Hiks ou Kentan, sans parler des mastodontes au groove garanti comme Startijenn, Le Bour/Bodros Quintet, Waf* ou Hamon/Martin Quintet. Ajoutez à ça Oriaz, Nâtah BB, Noguet/Talec, Taouk trio, Sérot/Janvier et la Groove Compagnie et d’autres, il y avait vraiment de quoi prendre son pied.

Les seules réserves concernent, quand même, des domaines qui vont être à améliorer à l’avenir : les revêtements de sol pour danser devant les deux scènes, c’était vraiment pas top ; le son, souvent trop fort et rarement avec beaucoup de relief.

Pour finir, un questionnement qui n’est pas une critique mais une prise de conscience quant au devenir du festival : à soigner la compatibilité des deux univers et vouloir montrer à quel point la musique bretonne est une musique pleinement actuelle, on tourne plus ou moins catégoriquement le dos à certaines esthétiques, voire certaines approches pour autant éminemment légitimes à jouer ici. Pas de sonneurs trad hardcore et de chanteurs bien roots, alors qu’il est évident que ça fait partie du paysage. On verra bien ce que donneront les éditions suivantes, mais c’est en tout cas une mutation stimulante qui se joue à Cléguérec, et on ne peut que remercier et encourager les gens qui donnent pour que tout ça ait lieu.

PS : pour un compte-rendu plus détaillé (et ouvert sur les concerts autres que fest-noz), on pourra aller lire notamment cet article.

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