#Fest, un coup de jeune souffle sur les parquets

En mars, débute une opération éclair mais de grande envergure. L’objectif : s’attaquer à un des points qui font douter de la pérennité systématique du fest-noz, à savoir la baisse de fréquentation relevée depuis une dizaine d’années chez les tranches d’âge les plus jeunes. Tamm-Kreiz mûrit depuis plusieurs années un projet d’action ambitieuse en termes de sensibilisation et de séduction des nouvelles générations. Teaser vidéos à destination des réseaux sociaux, festoù-noz et showcases dans les lycées avec des groupes aux esthétiques attractives, vidéos d’apprentissage des danses les plus courantes, compilation en ligne et distribuée gratuitement, on sort l’artillerie lourde, et l’asso, une fois de plus, contribue à ouvrir le fest-noz tandis les générations précédentes peinent à passer le relais.

Alors qu’on entre dans la dernière ligne droite frénétique de préparation au lancement de #Fest, Jérôme Floury et Stéphane Julou prennent le temps d’en discuter avec nous.

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Salut les gars. Il y a un an, à peu près, on se rencontrait pour discuter du lancement d’un gros projet initié par TK, à savoir la webradio CanalBreizh. Aujourd’hui, TK se lance dans un autre gros projet ambitieux avec #Fest. D’où est venue l’idée et à quel besoin ça tente de répondre ?

Stéphane : C’est parti d’un constat qui a été établi via différents sondages en fest-noz et par l’expérience sur le terrain de la part des organisateurs qui se plaignaient de voir de moins en moins de jeunes en fest-noz. Une fois ce constat fait, il fallait essayer de comprendre pourquoi et trouver comment faire en sorte que ça change. Pourquoi ? On nous a expliqué que c’est dû à plusieurs facteurs, et pas seulement un. Les jeunes, c’est vrai, sont sollicités de toutes parts de nos jours et il est très difficile de les capter sur une chose en particulier. Mais il y a surtout une méconnaissance du fest-noz et certainement aussi des préjugés qui sont nourris par cette méconnaissance. Le comment ? Faire venir des jeunes en fest-noz, plutôt que d’attendre qu’ils viennent. Quand tu as des a priori sur quelque chose, tu n’y vas pas naturellement.

tournage des teasers à Saint-Brieuc, 3 mars 2018

C’est clair que, sauf à y aller par accident, en suivant des potes par exemple, et se rendre compte que tout compte fait ça peut être cool, tu n’as aucune raison d’y aller par toi même.

S : Ce n’est pas une question de prix non plus, puisque malgré les tarifs jeunes ou la gratuité, il n’y a pas plus de jeunes à venir en fest-noz.

Oui, et ça reste un loisir très abordable par rapport à d’autres.

S : Oui. On nous a donc conseillé de favoriser l’expérience, c’est-à-dire aller vers les jeunes et leur monter notre vision du fest-noz, à travers un axe accessible à tous qu’est la musique. C’est pour cette raison qu’on privilégie cette approche au travers notamment des showcases et des festoù-noz. On a, pour finir, monté un projet avec plusieurs axes de sensibilisation.

Si je comprends bien, l’idée est que le meilleur moyen pour combattre les idées reçues serait peut-être de montrer la diversité, la qualité et l’attractivité de la scène musicale ?

S : Oui, casser les vieux préjugés et montrer qu’aller en fest-noz, ça peut être cool !

Du coup, concrètement, le projet #Fest va se présenter comment ?

S : On a plusieurs outils. Pour casser les préjugés et montrer un visage cool, on va proposer un teaser vidéo sous formes de plusieurs court-métrages. On a aussi identifié certains groupes un peu tendance et décidé de proposer une compilation avec ces 13 groupes + C’harr-nij (le groupe vainqueur du concours inter-lycées et du kan ar bobl), tirée à 5000 exemplaires et distribuée notamment aux organisateurs de fest-noz afin qu’ils découvrent ces groupes et pensent à les programmer 1 .

Justement, comment ont été sélectionnés les groupes « attractifs » ?

S : La sélection a été assez simple. 30 groupes ont été pré-sélectionnés et les lycéens ont fait leurs choix. Les 15 premiers étaient largement devant. La démocratie a fait son boulot, on a respecté ses choix.

Comment peut-on se procurer cette compilation quand on n’est pas organisateur ? Comment les jeunes y ont-ils accès et comment peuvent-ils avoir envie de s’y intéresser ?

S : Le cd sera distribué lors de la tournée #Fest, lors des showcases également, et en allant voir les groupes #Fest lors de festoù-noz, ceux-ci ont un stock de cd.

Jérôme : Lorsqu’on n’est pas organisateur, on peut écouter la compil sur fest.bzh, elle est en ligne.

Le site fest.bzh regroupe vidéos et audios des 14 groupes sélectionnés, vidéos d’apprentissage, et toute l’actualité du projet #fest.

Justement, je posais la question parce que, pour les jeunes générations, le support physique du cd est moins important que l’accès à la musique via le numérique.

S : Oui, c’est vrai. C’est pour ça que la compil sera aussi disponible sur Deezer et Spotify, par exemple.

Le teaser va circuler comment ?

J : Il va être posté sur les réseaux sociaux et, normalement, crossposté par des partenaires comme Ouest-France. S’il fonctionne, il sera viral. S’il ne fonctionne pas, c’est raté…

Quels médias vont relayer l’ensemble de l’initiative ?

S : des médias que ne consultent pas les jeunes, malheureusement, car les médias dédiés à la jeunesse s’en fichent un peu. Mais on remercie vraiment nos partenaires : Ouest-France, Le Télégramme, France Bleue, Media Locuax, le Cri de l’Ormeau…

Quel est le calendrier de l’événementiel de #Fest ? Ça commence, quand, ça finit comment et il se passe quoi entre les deux ?

S : Ça commence le 15 mars par le lancement du teaser, de vidéos de danse, et on attaque le 30 mars la tournée par Nantes, puis le lendemain à Pleucadeuc. À Brest, ce sera le 4 avril, Ergué-Gaberic et Lannion le 6 avril. Ce jour là, Beat Bouet Trio sera aussi en show case au lycée Rabelais, à Saint-Brieuc, entre 12h et 13h30, avec le groupe local de jeunes qui participera au concours interlycées.

Ça a été compliqué de mettre en place les partenariats avec les lycées pour les showcases ? Pour les festoù-noz de la tournée avec des organisateurs locaux ? Avec les groupes ?

S : Pour les showcases oui, ce n’est pas fini d’ailleurs, mais on règle ça au cas par cas. Pour les festoù-noz, ça a été compliqué de jongler avec les disponibilités des groupes, des salles, etc. pour respecter le temps du projet que l’on veut court (un mois).

J : Je dirais même un vrai casse-tête.

S : On clôture par le concours interlycées qui aura lieu le 20 avril à Lannion. On diffusera d’ailleurs le concours sur nôtre chaîne Youtube et via un Facebook live.

Ce que je trouve intéressant, c’est que le projet est assez ramassé au niveau timing (un mois, comme tu disais), mais qu’il y a un après. En un mois, on ne peut guère espérer changer la face des choses. Mais après ça, les vidéos resteront, la compile va circuler… Vous envisagez la suite comment ?

S : J’ai envie de dire qu’aujourd’hui beaucoup d’organisateurs sont âgés. Et qu’on ne fait pas du jeune avec du vieux. Il faut que les assos arrivent à motiver des jeunes, sinon on va au casse-pipe pour le fest-noz (on y est presque déjà). Après, le fait que ce soit court, comme action, c’est voulu. On préfère frapper un bon coup que de semer quelques graines par ci par là.

Le site fest.bzh va rester actif ensuite ?

S : Oui, certainement. Pour la suite, pourquoi pas une nouvelle édition en 2019 ? Sans les vidéos de danse et teaser (qui existeront déjà) mais avec festoù-noz, compil et showcase.

J : Dans une suite, si on avait des sous, on pourrait aider des groupes à réaliser des clips et des live de qualité (car il y a souvent peu de matière). On pourrait aussi essayer de faire passer des choses dans des grands média.

Justement, une telle opération nécessite de gros moyens, tant humains que financiers. Comment ça s’est passé des deux côtés ?

J : En termes de moyens financiers, nous avons bénéficié d’une subvention de la région Bretagne à hauteur de 30 000€. Ensuite, Stéphane a cherché des sponsors, et a pu décrocher 2 000€ auprès de plusieurs d’entre eux. Ces partenariats financiers sont complétés parce qui pourrait être une valorisation des partenariats signés qui, même s’ils ne parlent pas argent, représentent un relais qui nous aurait été coûteux.

Ce qui montre que ça reste une question de militantisme, le fait de faire vivre cette culture.

J : Oui. Et quand on fait le bilan de tout ce qui est fait avec 30 000€ (9 sketchs vidéos, 14 vidéos d’apprentissage, 14 vidéos clips, appli mobile, mini-site, festoù-noz de sortie, compilation, show-cases…), on peut dire qu’on a fait beaucoup avec peu (et bravo, Stéphane) !

J’imagine que ça va être compliqué d’avoir une idée de l’impact concret de l’action menée. Qu’est-ce qui pourrait vous faire vous dire que c’est une réussite ?

J : Quelques indicateurs concrets comme le nombre de partages, de vues, de visites, le nombre de visiteurs, les relais dans les média. Des relais inattendus si des personnalités tweetent ou partagent alors qu’on ne s’y attend pas. La participation à l’interlycées, un nombre croissant de lycées acceptant les showcases, etc. Je ne pense pas qu’une enquête de fréquentation changerait la donne en fest-noz dès l’année prochaine, à moins de disposer d’autres moyens pour matraquer. C’est du long terme, tout en choisissant un focus court dans les media et sur le terrain. On a choisi l’angle musique pour notre projet, mais on est tous ourdés de doutes. C’est une première. Et c’est une première pour Tamm-Kreiz dans bien des domaines.

Tamm-Kreiz qui, une fois de plus, mouille le maillot. Vous sentez qu’on reconnaît en vous, notamment dans ces actions là, un point de convergence des luttes, pour le milieu institutionnel comme pour les milieux associatifs et/ou artistique ?

J : Je ne sais pas si on a « déjà » senti ça. Moi, ce que j’aimerais, c’est qu’on soit identifiés comme pilotes dans le plan de sauvegarde du fest-noz qui a été écrit lors de l’inscription au PCI. On peut discuter de l’utilité de l’inscription ou de l’importance d’une reconnaissance par l’UNESCO, mais le plan de sauvegarde qui a été écrit ce jour là est plutôt bien. Après, tu parles de fédérer, mais notre projet peut diviser, aussi ; la campagne ne fera pas plaisir à tout le monde.

S : Si la campagne ne fait pas plaisir à tout le monde, c’est à ces gens là de se remettre en question et de se demander : « qu’est-ce que c’est qu’un fest-noz ? », ou : « pourquoi j’organise un fest-noz, pourquoi je vais en fest-noz ? ». Nous, on signe pour l’ouverture d’esprit !

À qui penses-tu que ça pourrait déplaire ? Le fest-noz est dans une phase de repli, tout court, pas seulement en ce qui concerne les jeunes. Les ressources musicales, pédagogiques et médiatiques mises en œuvre avec Fest peuvent être attractives et intéressantes pour tout le monde, non ?

J : Je pense à des groupes musicaux non sélectionnés qui se sentiraient exclus, à des anciens qui râleraient parce qu’on fait du jeunisme, etc. De toute façon, il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne sont pas critiqués. On n’a juste pas envie de laisser crever tout ça sans rien faire.

Plus d’infos sur le site fest.bzh, la page facebook associée et bien sur sur Tamm-Kreiz !

  1. Les groupes sélectionnés sont : Startijenn, JMK, Natah big band, Fleuves, Hamon Martin quintet, Ourawen, Beat Bouet Trio, ‘Ndiaz, Digresk, Plantec, les Ramoneurs de Menhirs, Kaïffa et Waf*.

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