On était à Arradon, le 18 juillet 2018!

On n’avait pas encore vraiment abordé ici la sémillante catégorie du « fest-noz d’été », autrement qualifié de « fest-noz à touristes », sobriquet un brin méprisant mais à la fois mérité et injuste, comme on le verra. L’été est en effet le seul moment de l’année où l’écosystème fest-noz n’est pas porté exclusivement par les réseaux associatifs, mais soutenu voire subventionné par les territoires dont ils expriment, après tout, une incarnation contemporaine et festive d’un héritage culturel. C’est ainsi qu’à la faveur des flux touristiques, les collectivités locales se réveillent massivement et se mettent à vouloir valoriser intensément le patrimoine régional. Merci à elles, vraiment.

D’aucuns diront que ces festoù-noz, souvent organisés par des offices de tourisme et plutôt le long des côtes, sont à éviter : ça se passe dehors, avec une acoustique parfois difficile à sonoriser, à danser sur du bitume ou des pavés plutôt qu’un bon plancher, et surtout, surtout, on est envahis de touristes ravis de découvrir ce phénomène si pittoresque et joyeux en sortant leurs smartphones mais aussi, bien pire, en se joignant innocemment à la danse et ce, avec une bonne volonté qui n’a d’égale que leur méconnaissance crasse des codes immuables de la tradition réinventée il y a 60 ans. On pourrait aussi objecter que les motivations des programmateurs, éminemment compatibles avec le désir de pittoresque et de typique (je ne mets même plus de guillemets sur ces trucs…), incitent parfois à faire une part déraisonnable aux singeries en costume et brouets sonores amateurs aussi repoussoir qu’anachroniques au regard de ce que peut être une tradition vivante.

On rétorquera à tous ces gens (qui, bien que râlant, viennent pourtant parfois quand même…) que ces festoù-noz sont justement une proposition de fête vraiment populaire : ils sont gratuits, en plein air et vient qui veut. De plus, le budget permet souvent de programmer des bons groupes, avec un rythme quasi quotidien et pas seulement le week-end. On peut ainsi naviguer entre les « mardi de Morgat », les « mercredi d’Arradon » (on y vient, on y vient) ou de Loudéac, les jeudis du port, etc…Enfin, je peux certifier que certains touristes décomplexés de débrouillaient pas plus mal que certains connaisseurs autoproclamés, et que ça fait toujours du bien de quitter l’entre-soi, même au prix d’un joyeux bordel où la danse, malgré tout, était tenue par des danseurs et danseuses solides.

Ceci dit, autre spécificité de cette configuration estivale pléthorique, ça commence généralement tôt pour ne finir pas trop tard. En l’occurrence, ce soir à Arradon il était indiqué 19h30 comme début des hostilités, mais on pouvait prendre son temps : l’initiation à la danse étant menée par le cercle celtique local, la musique ne commençait vraiment qu’avec le premier passage d’Ampouailh, vers 20h30. Contrairement à d’autres endroits, il y avait en effet une vraie configuration fest-noz, avec deux formations (outre les garnements du kreizh-breizh, on a eu droit à l’électro-kan de Tchaïd) se produisant en deux passages alternés. Une buvette qui tournait à bloc, des gens de passage ou du coin avec le sourire, heureux de découvrir ou de faire partager cette culture ici et maintenant, le temps d’un soir d’été parmi d’autres. Un son plutôt correct, des groupes efficaces et porteurs d’identité peu compatibles avec les clichés du genre, et même une fin idéale avec une chanson à écouter (joliment négociée par Youenn Lange avec le sourire). Une soirée en Bretagne. Il y en aura d’autres avant la rentrée…