On ne dira jamais assez les dangers de l’enthousiasme qui peut survenir, à la fin d’un bon bal, en aimable compagnie, quand l’effet désinhibiteur des boissons fermentées bues au-delà des normes admises (l’abus d’alcool est dangereux, consommer avec modération NDA) vous fait perdre le peu de bon sens qu’il vous reste. C’est ainsi qu’au retour d’un séjour breton, je m’étais offert une petite pause en Poitou qui m’avait conduit au Bal de Chiché, où je retrouvais la jet-set locale et deux membres de la jeunesse dorée qui sévit en Morvan ayant tissé des liens avec les autochtones en fréquentant le BAO. Et ainsi, de fil en aiguille, ou plus exactement de bières en rhums, tout à notre tristesse de voir se terminer ce bon moment, nous nous étions promis de revenir en Gâtine pour le Bal de Saint-Pardoux. Ce samedi 2 mars 2019, nous nous retrouvions, mes deux acolytes et moi, à Chalon-sur-Saône, pour traverser un bon bout de la France, au diable notre bilan carbone, heureusement confortablement installés sur la sellerie cuir beige d’une C4 exclusive, car on s’embourgeoise.
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Après six bonnes heures de route, où nous avons repéré quelques établissements auxquels nous n’avons pu faire honneur en raison d’un timing serré, mais qui ferons de bucoliques étapes sur la route de Parthenay fin juillet, nous garions notre carrosse sur le parking de la salle du foyer rural de Saint-Pardoux, Deux-Sèvres, bien décidés à en découdre. Après des retrouvailles avec nos amis locaux, assez rapidement le bal fut lancé. C’est Emmanuelle Bouthillier, en solo, qui s’y collait, avec talent et énergie, tout en sobriété efficace. Il faut du métier, et même un sacré métier, pour mener un bal toute seule avec sa voix, son violon, ses pieds et quelques sonnailles. Si on voit beaucoup Manu Bouthilier dans les bals, ce n’est pas pour rien et elle le démontra encore brillamment ce samedi.
Après qu’un big band local a eu permis aux musiciens locaux de faire danser un public venu nombreux (plus de 300 personnes) et à La Machine de s’installer, le fameux groupe berrichon se mit au boulot et cette machine est bien une machine à danser. Ça transpirait sévère sur le parquet de la salle du foyer rural! Pendant ce temps, d’autres reprenaient des forces, avec d’excellentes pâtisseries faites maison, visiblement les poitevins aiment bien faire quelques gâteaux pour caler les dents creuses entre deux danses, et je ne leur reprocherai pas. La soirée continuait son train, dans une ambiance bon enfant et délicieusement festive. En parlant d’enfants, qu’on appelle ici des drôles, un coin leur était dédié, ce qui est une très bonne idée. Je n’ai pas pu y assister, mais l’après-midi avait d’ailleurs eu lieu un bal pour enfants, animé par les élèves des écoles de musique du Poitou et de leurs professeurs, Jean-Marie Jagueneau et sa fille Camille, Romain Chéré et Perrine Vrignault.
La soirée bien avancée, ce fut au tour de Gros Sabot de prendre les commandes, pour un bal Poitou en forme de DJ set grave bien foutu. Gros Sabot, c’est Arnold Courset-Pintout, qui vient des musiques improvisées et qui a mis le doigt dans l’engrenage des musiques de tradition populaire il y a quelques années. Le bougre a bien pigé le truc et il a envoyé un bal, modeste et très efficace. La table de mix n’est ici pas un gadget pour « dépoussiérer » ce qui n’a pas besoin de l’être (surtout que l’argument a tellement été resservi qu’il est usé jusqu’à la corde et finit par être d’une ringardise qui n’a même pas eu la chance d’être patinée par le temps), mais juste l’instrument dont s’est saisi Arnold pour faire danser, comme d’autres, en d’autres temps ont pu se saisir, qui du violon, qui de l’accordéon, etc… Une belle façon de finir un bal, à bon entendeur, salut!
J’ai pu échanger avec Bastien Clochard, à qui on doit les photos qui illustrent ce papier, de l’historique de ce bal de Saint-Pardoux, qui en était à sa 4e édition. C’est Picton Sound qui est aux manettes de ce bal, un collectif de musiciens du cru destiné au départ à faire du portage d’artistes, et devenu un Orchestre (le Picton Sound Orchestra). C’est un membre du conseil municipal de Saint-Pardoux qui, les connaissant, les a sollicités, mettant à disposition une salle et une aide financière, charge pour eux de créer un événement. Bien lui en a pris, visiblement. C’est du beau boulot d’élu rural, instigateur et facilitateur, qui sait laisser autonomie aux acteurs locaux et ça marche. L’autre élément à souligner, c’est que la dynamique locale n’est pas tout à fait due au hasard, et que les germes d’éducation populaire autour des traditions populaires ont porté leurs fruits.
Bilan, un peu chiffons le lundi, mais on n’a pas regretté d’avoir traversé la France. On remercie l’aire des Monts de Guéret pour nous avoir permis de boire un café devant de superbes cendriers tourniquets hommage à Johnny, qui nous remplirent de bonne humeur potache.