Parce que danser ne doit pas se restreindre à des espaces clos où ne se rendent que des initiés bien informés, parce que la danse et la musique n’ont pas vocation systématique à être tarifées et cantonnées au dyptique scène/parquet, parce qu’une culture qui se dit/veut populaire doit être à portée de population, le bal s’invite parfois en Bretagne sous forme de Fest-Deiz Sauvage. Quelques explications sur le pourquoi et le comment de cette pratique qui ne demande qu’à se développer.
Un « fest-deiz sauvage », pourquoi donc ?
A l’origine, cette proposition voulait répondre à un besoin, quant à la survie, l’ouverture et le partage de ce qu’a à offrir un bal trad. L’idée fondatrice est que la richesse potentielle de cette « culture » est ignorée par une majorité écrasante de la population, qui soit s’en fait une idée fausse, soit ne s’en fait absolument aucune idée.
Hors de portée des radars médiatiques et culturels, elle se pratique loin des circuits subventionnés avec communication à l’avenant, elle concerne avant tout des gens qui savent ce qu’ils vont y trouver et où trouver l’info pour la pratiquer. Les autres ? Ils n’auront probablement jamais l’occasion de savoir si ça leur correspond ou pas.
D’où l’idée d’aller emmener le bal partout, sans invitation, à l’improviste. De préférence dans des espaces publics, de lieux de passage, en prenant momentanément possession de ces endroits pour mettre sous le nez et les oreilles des gens ce que peut être tout ça.
C’est quoi, exactement ?
Le principe est très simple. Inspiré à la fois des commandos trad québecois (on en reparlera dans IciBal ! un de ces jours…) et des démarches de réappropriation de l’espace public (TAZ et autres réflexions de ce genre…), le Fest-Deiz Sauvage revendique le droit de s’inviter partout, pour une durée et selon des modalités précises, avant de disparaître dans la nature.
Concrètement, il s’agit d’aller proposer un espace de fest-deiz dans un lieu urbain ouvert, à la disposition des passants, pour écouter, voir, pourquoi pas venir danser.
Les ingrédients :
- un commando de quelques danseurs, connaissant les danses et désireux de les partager plutôt que de juste en faire la démonstration…
- des musiciens se connaissant et ayant déjà leurs habitudes, afin d’avoir un répertoire « prêt à l’emploi ».
Le tout se fomente en amont, pour être sûr d’avoir le groupe de musiciens et de danseurs suffisant et disponible à la date retenue. On repère les lieux si besoin.
Ensuite, eh bien, on avertit (via les réseaux sociaux, Tamm-Kreiz ou d’autres supports… cf. plus loin) du lieu, de la date et de l’horaire choisis (souvent un samedi midi ou après-midi), quelques jours à l’avance seulement pour garder le côté « à l’improviste ». Et le jour dit, on débarque sur une place (de la mairie, du marché, de l’église…), un square, une gare, une fac, on s’installe en 2 minutes et hop, les musiciens jouent, les danseurs dansent. Les passants passent, s’arrêtent ou pas, écoutent ou pas, viennent danser ou pas, mais en tout cas approchent ce qu’est la musique bretonne à danser, sans rien avoir demandé à personne mais sans subir non plus quoi que ce soit vraiment.
On joue 3/4 d’heure environ, éventuellement un peu plus, et basta, on remballe et on s’en va (quitte à recommencer ailleurs, parce qu’on est des malades).
Pas de blabla, sinon des écriteaux « attention zone de fest-deiz sauvage » pour éventuellement expliquer en deux ou trois lignes la démarche, pas d’étui de guitare pour récolter des sous, pas de cd à vendre, on propose un échange, vient qui veut et on s’en va.
Ce qu’un Fest-Deiz Sauvage n’est pas
D’autres initiatives ont pu voir le jour dans le registre « sortons notre culture dans la rue », et apportent probablement chacune leur pierre à l’édifice. Pour autant, il ne faut pas confondre un FDS avec :
- des flashmobs, chorégraphiées et ouvertes (ou non) aux passants, et pas forcément avec des musiciens.
- un bœuf public (du type « marée trad ») où les musiciens amateurs sont conviés si possible en grand nombre pour joyeusement partager de façon approximative mais conviviale des airs annoncés à l’avance.
- un commando trad (sans vrai moment de danse mais plutôt d’écoute et de découverte d’un moment de musique trad préparé par des musiciens et capté par des vidéastes).
Des initiatives proches ont vu le jour, comme par exemple le bal nomade qu’organise de temps en temps la compagnie Astour dans le centre de Rennes. Il ne s’agit pas de cataloguer tout ni de hiérarchiser les démarches. Elles sont complémentaires, mais ne visent pas toutes exactement les mêmes buts, et leur fonctionnement induit des résultats différents.
C’est quand/où/comment ? Comment je sais ?
Les bals sauvages ne sont pas nouveaux, et le principe des FDS n’a pas de copyright. Les premiers événements se réclamant de cette appellation ont eu lieu sur Rennes et Vannes en 2011. Il s’en organise encore de temps à autre, de préférence aux beaux jours pour des raisons évidentes. Si l’idée vous plaît, le meilleur moyen de se trouver un fest-deiz sauvage reste encore d’en organiser un ! Le fonctionnement est clair et simple, il demande très peu de matériel, juste musiciens et danseurs opérationnels ainsi qu’un lieu et une date adéquats. Alors lancez vous !
Pour le reste, il existe une page facebook dévolue à l’explication et la diffusion de ces initiatives. On y annonce les événements et on y partage éventuellement les traces (photos, vidéos, commentaires…) mises à disposition. Alors, décidément, et particulièrement en ces temps d’état d’urgence permanent, dansez partout !