Un grand rendez-vous festif comme il y en a eu tant d’autres, résolus, fraternels, sur le site du désormais défunt projet d’aéroport, cette fois avec cette particularité de laisser se vivre la joie d’une vraie victoire collective et plurielle au long cours, et de marquer une mobilisation forte pour ne pas lâcher sur ce qui s’est construit ici, dans la lutte, comme projets cohérents, viables et positifs pour la suite. Avec, comme à chaque fois et de puis le début, une place « naturelle » aux cultures régionales et aux convivialités dansées, chantées, jouées, partagées. Ce soir aussi, il fallait en être.
IciBal! n’existait pas lors des précédents rassemblements mais il y en a eu, des beaux moments de bal et tout simplement de partage1, sur cette zad tantôt indument honnie tantôt exagérément fantasmée, mais qu’il fallait tout simplement arpenter en rencontrant les gens pour comprendre la réalité de ce qui se jouait là. Y compris en dehors de ces moments massifs et festifs. Mais c’est un tout, qui dans la pluralité et la durée a su rester uni, et le lien avec ce qui se joue dans les musiques traditionnelles est évident, pour peu qu’on y réfléchisse un peu. Mais allez, pas de diatribe ou de manifeste ici, on était venus pour profiter. Enfin.
Et, puisqu’il ne s’agit de parler que de lui, quel bal ! Ce soir, plus que jamais, c’était une culture populaire, partagée, sans clivage ni posture. Un chapiteau archi comble dès le début de soirée (ça commençait à 17h), bouillonnant, débridé, joyeux et plein d’une énergie débonnaire et inarrêtable. Alors, c’est sûr, il ne fallait pas venir là pour danser. Hormis quelques rares moments dans les recoins, ou alors au tout début du bal, c’était tout bonnement impossible. Et on ne va pas vous faire le détail des danses et des musiques. A vrai dire, on s’en fout complètement.Ce qui se vivait là se situait bien au delà de ces considérations là.
Pendant des heures et jusqu’à bien tard ou bien tôt, les musiciens et les gens ont partagé cette évidence d’une culture issue de traditions largement révolues, qui s’incarne ici et maintenant sans se poser de questions de cohérence ou de légitimité. Et je n’ai vu aucun danseur parmi ceux qu’on côtoie d’habitude sur les parquets, vieux briscards ou jeunes pousses, faire la gueule pour autant, râler pour les bousculades ou tout autre débordement de joie.
En tout cas, vraiment, c’était un merveilleux n’importe quoi. Une espèce de gros bordel incessantLes gars de Sérot/Janvier et la groove compagnie se souviendront longtemps de tout ça (et notamment d’en être sortis vivants, épicentre vibrant d’un ouragan humain permanent autour d’eux), tout ceux de Jéricho, voyant des gens slammer en bottes ou cracher du feu au milieu de la foule pendant… une valse. Bien sûr, la version a capella de « Notre Dame des Oiseaux de Fer » par Sylvain Girault a résonné singulièrement dans cette nuit de sereine jubilation collective, bien sûr les chanteurs et sonneurs donnaient là quelque chose de particulier, dans un vrai échange avec le public, tandis que dans la boue et sous la pluie, ailleurs, les gens buvaient un coup, mangeaient et discutaient auprès des feux allumés dans le pré, ou baguenaudaient près des autres scènes. De la place pour tout le monde, pour tout un chacun, comme à chaque fois ici. Avec au coeur l’évidence que ce n’est pas si compliqué, que ça peut marcher, et qu’il ne faudrait pas tant de choses que ça pour que ça se vive à l’avenir ailleurs qu’ici.
photo : Elodie Ortega
- ah, ce moment magnifique de poésie et de rêve collectif lors de l’envol dans le ciel nocturne des centaines de lumières dérivantes pendant le set de Hamon Martin Quintet, en 2016… pour ne citer que celui-là. ↵