Tout le monde sait que ça se fait, et personne ne dit rien. Une pratique banalisée, confortée par l’impunité de la meute, et on laisse dire. Ben voyons. Pire, parfois on s’adonne à cette activité si facile en se lâchant sur certains, en épargnant injustement d’autres qui pourtant le mériteraient tout autant, mais qu’on aime bien, eux. Chaque jour (ou disons, chaque week-end) des musiciens de bal souffrent, le plus souvent en silence, et avec le sourire malgré tout, face à l’insulte, à l’ignorance crasse et au lynchage ordinaire. Il est temps d’ouvrir la parole et il ne sera pas dit qu’IciBal ne prendra pas sa part dans ce salutaire élan de libération.
Mais si. Vous avez forcément entendu ça une fois ou deux, en bord de scène. Le type qui s’approche, tantôt avec une bonne volonté manifeste (le gars veut vous rendre service), tantôt avec une morgue volontiers proportionnelle à une inculture de fond maquillée par une assurance de surface. Vieux ou pas, c’est pas le problème. Il vous prend à parti gentiment ou de manière moins sympathique, laconique ou bien pot de colle, discret ou ostentatoire. A commenter ce que vous avez fait ; à dire que c’était trop rapide, pas assez, que les temps de la danse n’étaient pas assez marqués, que le style du terroir n’y est pas ou, plus insidieux, que « c’est très beau à écouter, mais un peu confus pour danser« . Sous entendu : d’une part, « vous feriez bien de bosser un peu votre sujet« , et d’autre part, « c’est pas le tout de montrer que vous avez du niveau dans les doigts et que vous vous paluchez entre musiciens à coups d’arrangements aussi virtuoses qu’improbables, mais il faudrait quand même des fois penser aux danseurs parce que, n’est-ce pas, c’est quand même eux qui font que vous êtes là« . Et vous êtes censés écouter gentiment, courtoisement en tout cas, oser un « ah peut-être… ça dépend » (dangereux début de contestation, donc de discussion interminable) ou bien d’opter pour le « je vais quand même pas le laisser raconter ses conneries et m’emmerder avec ça » avec le choix compliqué entre envoyer balader vertement ou se montrer diplomate et pédagogue et rendre compte de vos choix en prenant le temps d’expliquer, le plus souvent en pure perte, à quelqu’un qui est surtout venu pour la posture et pas pour échanger, voire apprendre.
Variante sympa : « encore une gavotte?? C’est la cinquième de la soirée!« . Le temps de se frapper le front avant de renoncer à expliquer que c’est peut-être une bonne chose, la variété dans la répétition, l’imprégnation tout ça, que 5 bonnes gavottes avec des approches intéressantes valent mieux que 5 danses différentes (même rares) mal jouées, ça y est mémère vous a ruiné le plaisir de la première bière après la descente de scène. Il est temps de dire stop.
Alors, camarades musiciens qui parfois depuis des années vivez ça en silence ou entre vous, en laissant ces gens dire n’importe quoi haut et fort et dévaloriser implicitement votre travail et la pertinence de la dansabilité de votre proposition artistique, vous êtes ici invités à dire : balancez les anecdotes, les moments pénibles ou drôles, effarants de connerie, d’agressivité subie ou d’ignorance abyssale, IciBal se chargera de collecter tout ça et, éventuellement (si le corpus recueilli est assez conséquent) d’en présenter un aperçu signifiant.
Ce projet est au long cours : il faudra peut-être du temps pour que l’info tourne, pour que les gens prennent le temps de consentir à dire, mais la proposition est faite et nous ne sommes pas pressés. Qu’il ne soit pas dit, en tout cas, qu’il n’existe pas un espace ou l’impunité cesse. Il ne s’agit pas d’opposer un « danseur bashing » au « musicien bashing », juste d’exposer la violence et la bêtise pour ce qu’elles sont : inutiles et indues.
PS : l’article a beau se vouloir railleur, la proposition est sérieuse. En revanche, pas de hachetague touitteur pour de vrai, mais vos témoignages seront collectés à l’adresse mail du site, à savoir
icibal@herisson.lautre.net