En ce début d’année bien frisquet, une des premières occasions d’aller se réchauffer au bois de parquet en pays rennais était le rendez-vous donné mi janvier à Châteaubourg par deux des groupes qui tournent le plus dans le coin et bien au-delà, à savoir Digresk et Beat Bouët Trio.
Dans la belle salle La Clé des Champs, neuve et spacieuse, on a donc rejoint une foule déjà nombreuse en début de soirée, avec l’ouverture des hostilités par les sonneurs de La Nouzille, les locaux de l’étape. L’Ille-et-Vilaine a, en partie à raison, la réputation de n’être pas un terreau toujours très vif en matière de fest-noz (moins nombreux qu’ailleurs, moins brassés au niveau de la population qui y vient, moins « vivant »… sous-entendu par rapport au kreiz breizh, au Trégor, enfin tout ce qui est « vraiment breton », vous voyez…), eh bien ceux qui étaient là ce soir pourraient attester qu’il n’y a là aucune fatalité et que tout, ici comme ailleurs, est une question de mouiller le maillot. Il y a des gens qui bossent à faire vivre tout ça, et entre Rennes et Vitré, allez savoir pourquoi, ça marche !
Car enfin, ce soir on dira ce qu’on voudra, il y a tout. Une belle ambiance, simple et chaleureuse, des gens qui s’amusent, de la convivialité, des novices qui se mêlent aux furieux de la danse du week-end. Des gens qu’on voit partout, à chaque fois, et des gens qui manifestement sont là pour la première fois, et qui, avec un peu de chance, retenteront l’expérience. Plein de monde, de la joie de vivre partagée, un succès, donc. N’en déplaise aux esprits chagrins.
Car les deux têtes d’affiche qui alternent ensuite sur scène ne sont pas des groupes « adoubés » par les tenants du bon goût et les gardiens du temple ; ils se sont fait eux-mêmes et se sont imposés sur le terrain auprès du public des danseurs. Ils font venir du monde, et on les demande partout. Au-delà du fait que Digresk et Beat Bouët Trio font appel à des esthétiques urbaines (culture rock, hip hop notamment…) qui parlent aux non initiés, leur capital sympathie vient aussi du fait que ce sont des groupes généreux sur scène, qui communiquent avec le public, sont contents d’être là, et le montrent. Dans un bal qui se veut populaire, ça compte, non? Ce sont aussi des groupes qui font des choses, organisent, fédèrent des acteurs différents. Ils se bougent, et font vivre le bal partout où ils peuvent ; des acteurs militants.
D’ailleurs, le fest-noz de Châteaubourg avait lieu dans la cadre de la programmation « Janvril » proposée par le collectif le Bon Scén’Art, basé à Vitré. L’idée étant de mélanger les publics avec des propositions culturelles très variées (fest-noz donc, mais aussi cabaret burlesque, spectacle humour et chanson, jeune public…), et ce sur un territoire entier avec son aspect de festival itinérant. Mettre du fest-noz dans une prog culturelle de pays, plutôt que d’organiser au sein du seul réseau des initiés, décloisonner, faire se fréquenter des gens différents plutôt que les encourager au communautarisme culturel, c’est pertinent non ? Quand tant d’autres, sans même s’en rendre compte le plus souvent, privilégient l’entre-soi, c’est une approche salutaire qu’on souhaite voir faire des petits.